HAUSSE SPECTACULAIRE PREVISIBLE DES TAUX D'INTERETS
Les derniers chiffres publiés aux États-Unis montrent que le taux moyen pratiqué pour les crédits immobiliers dépasse 7 %. Du jamais vu en vingt ans. Comment expliquer cette augmentation et cela peut-il se reproduire en France ?
C’est un chiffre à faire pâlir les Français qui cherchent à obtenir un prêt immobilier. Aux États-Unis, le taux moyen d’un crédit à taux fixe sur trente ans s’établit à 7,08 %, d’après le groupe de refinancement immobilier Freddie Mac, qui fait référence dans le pays. En France, il s’élève en moyenne autour de 2 % pour les prêts de vingt ans et plus. Outre-Atlantique, c’est la première fois que ce taux dépasse les 7 % depuis avril 2002. L’année dernière, cette statistique n’atteignait en moyenne que 3,14 %.
Conséquence, l’achat de biens immobiliers diminue, ralentissant la hausse des prix des appartements et des maisons. Dans les vingt plus grandes villes américaines, les prix commencent même à chuter, baissant de 1,3 % en un mois. Du jamais vu depuis mars 2009. Cette situation est-elle inquiétante pour l’économie mondiale et française ? Éléments de réponse.
La bulle immobilière américaine peut-elle éclater ?
Pour les plus pessimistes, ce phénomène n’est pas sans rappeler la crise des subprimes, survenue à la fin des années 2000, plongeant l’économie mondiale en récession. Une crise déclenchée par l’éclatement d’une bulle immobilière, faisant chuter les prix des biens et qui avait enclenché une crise économique mondiale par ricochet.
Va-t-on revivre le même phénomène ? « La bulle ne va pas éclater car je ne suis même pas certain qu’il y ait eu une bulle, rassure Christopher Dembik, chargé de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank. Car en 2008, la baisse des prix était généralisée, alors qu’ici, cela ne concerne que quelques villes. C’est notamment le cas en Californie, avec San Francisco, ou au Texas, à Austin. »
« Voir un taux à 7 %, cela peut faire peur, mais ce n’est pas une crise immobilière, abonde Alexandre Baradez, responsable des analyses de marchés pour le courtier IG France. La remontée des taux est cette fois-ci une décision pilotée par la Fed [la banque centrale américaine, NDLR]. On peut parler d’une mini-bulle qui se dégonfle mais qui n'éclate pas. »
L’augmentation des intérêts des prêts immobiliers est en effet directement liée à la politique monétaire que mène la Fed depuis début 2022. Celle-ci augmente régulièrement son taux directeur, dans le but de réduire l’inflation, qui s’élève dans le pays à 8,2 % en septembre. En réhaussant son taux directeur, il est plus coûteux pour les banques d’emprunter de l’argent, ce qu’elles répercutent sur les crédits proposés aux particuliers.
Pour la Fed, il s’agit donc de corriger les excès des mois ayant fait suite la fin de la pandémie liée au Covid-19, période durant laquelle les ménages pouvaient facilement emprunter, faisant grimper les prix des biens. « L’immobilier a été le révélateur de ces excès et les banques centrales, tout pays confondu, ne font que les corriger », résume Alexandre Baradez.
Va-t-on voir des taux à 7 % en France ?
Si la Banque centrale européenne (BCE) applique la même politique monétaire que la Fed ces derniers mois, « il n’est pas possible d’avoir les mêmes taux d’intérêts en France », tranche Alexandre Baradez. « Les taux de la BCE augmentent bien moins vite, explique l’économiste. Ceux de la Fed s’élèvent entre 3 % et 3,25 %, tandis que ceux de la BCE sont à 2 %. » Le niveau des salaires joue également. Or, les salaires en France, et en Europe, progressent moins rapidement qu’aux États-Unis d’après Alexandre Baradez : « Ils augmentent autour de 2 ou 3 % chez nous contre plus de 5 % outre-Atlantique. »
Une telle différence entre les taux pratiqués sur les deux continents s’explique aussi par les types de prêts eux-mêmes. Si en France il n’est pas possible d’emprunter au-delà de vingt-cinq ans, aux États-Unis, le crédit le plus courant dure trente années. Et plus la durée est longue, plus les intérêts à rembourser seront élevés. « La plupart des crédits sont à taux variable alors qu’en France la très grande majorité sont à taux fixe, complète Christopher Dembik. C’est cette volatilité des taux qui les font monter à des niveaux conséquents. »